Faut déjà y retourner?
Lundi matin à 8h20 je retrouve ma classe. Dire que j’ai hâte serait mentir. Enfin si, hâte d’être au soir pour me dire qu’une nouvelle journée se sera écoulée, une journée qui me rapproche de la délivrance. Qu’on se le dise, plutôt crever que de suivre mes élèves l’an prochain, je garde mon niveau si je peux, sinon, n’importe quoi d’autre mais pas les CM1. Et je me console en me disant que les élèves les plus pénibles ont tous déjà été maintenus, ils passent donc à l’ancienneté dans la classe supérieure malgré un niveau déplorable et un poil dans la main de la taille d’un baobab.
« Non mais mon frère il m’a dit que si on a déjà redoublé, on peut plus jamais redoubler, donc je vais aller en 6ème, j’ai pas besoin de travailler. » En effet, ton frère a raison, même si tu ne sais toujours pas tes tables, ni comment poser une multiplication, que tu ignores comment trouver le verbe dans une phrase simple, que tu ne fais pas la différence entre le présent, le futur ou l'imparfait, que tu ne sais toujours pas ce qu’est un adjectif ou à quoi il sert, que tu te fiches de savoir saluer en anglais, ou que tu ignores ce que veut dire « germer » (ben si, c’est quand on dégueule, mais c’est mal écrit, c’est gerBer maitresse, mais je comprends pas, ça gerbe pas une plante !), que tu refuses de faire un exercice si je ne t’envoie pas chez le directeur avec ton cahier, effectivement tu iras en 6ème. Ou en SEGPA, commence à te faire à cette idée.
Enfin je préfère ce gamin-là au psychopathe qui s’amuse joyeusement avec des allumettes et des bougies d’anniversaire dans les toilettes. Ou qui essaye de planter (toujours joyeusement) un crayon dans l’œil d’un camarade. Tant de malveillance dans un si petit corps, ça me dépasse. Et ça m’use d’essayer de deviner quel coup tordu il va m’inventer encore histoire de tester des limites qui n’existent visiblement pas chez lui (en même temps, un gamin qui traite sa mère de pute à 8 ans et qui ne se prend pas une baffe, c’est normal qu’il cherche encore les limites).
Lundi à 8h35 je serai enfermée dans un bus avec 26 élèves. On va au Louvre. J’appréhende un peu la journée. D’ailleurs plus ça va et moins bien je dors la nuit, avec la reprise qui approche.